Ma rencontre avec un moine tibétain

Le 9 août 2014 je prends la direction de Vevey avec ma copine de l'époque. Nous nous rendons sur les hauteurs du Mont Pèlerin pour y interviewer un moine tibétain dans le cadre du travail de maturité gymnasiale de ma douce moitié.

Je ne pensais pas que cette rencontre serait, quelque part, le début d'un voyage que je commencerai trois ans plus tard. Je me souviens, comme si c'était hier, de cet endroit paisible où nous avons été chaleureusement accueillis. La gentillesse et la bonté des personnes présentes au centre ce jour-là m'avait beaucoup touchée.

Le moine avec qui nous avions rendez-vous était en retard et avait carrément zappé notre rencontre, mais est tout de même venu. Je me demande aujourd'hui si sa façon de vivre le détache du temps et qu'il se prend moins la tête avec les rendez-vous.

C'est ma copine qui mènera l'interview, je ne fais que l'accompagné et m'occuper de l'enregistrement de cette entrevue et des photos pour son travail de maturité.

La rencontre

Quand il nous explique ce qui l'a poussé à devenir moine, je fais la connaissance d'un personnage qui, a mon grand étonnement, n'est pas si différent que moi. J'ai pu m'identifier à lui assez rapidement et cela a détruit tous mes aprioris d'un seul coup. Moi qui ai un avis très fermé sur les religions, je ne pensais pas que le bouddhisme (qui n'est pas une religion) pourrait me mener à ouvrir un peu plus mon esprit. A cette époque, je fais des études dans l'informatique, j'ai un esprit très pragmatique et je ne suis absolument pas croyant. Je pense qu'il y a des choses qui nous dépassent et que la science ne peut tout simplement pas encore les expliquer, mais je ne crois en aucun dieu.

Notre interlocuteur nous explique avoir fait l'EPZ (École polytechnique de Zurich) en électronique. Il voulait comprendre le fonctionnement des radios, alors il a fait électronicien. C'est à ce moment-là que je m'identifie un peu à lui, car au fond nous sommes deux techniciens. Il a une belle tunique orange, mais nous avons tous les deux fait des études dans une école technique. Je me dis à cet instant qu'il n'est pas différent de moi, que c'est un homme comme un autre qui a choisi de suivre une autre voie que le standard que l'on nous propose. D'un coup, je décroise les bras, je me penche en avant et je commence réellement à m'intéresser à ce qu'il nous dit.

Au début des années 70, il se pose beaucoup de questions sur notre existence, sur l'Univers et il se rend compte qu'il est difficile de confronter tout cela d'un point de vue purement physique/scientifique avec la religion. Les deux ne sont pas d'accord et il ne trouve donc pas de réponses claires et précises à ses questions.

Entre 1973 et 1974, il suit des cours de psychologie à Zurich et rencontre une personne ayant vécu aux Indes dans les années 60. Elle a rencontré des moines tibétains et explique qu'elle a rencontré un grand maître avec qui, même nous occidentaux, sommes capables de comprendre ses enseignements alors qu'avec la plupart des maîtres, on ne comprend rien. Il faut comprendre que le monde occidental est fondamentalement très différent du monde bouddhiste dans sa façon de penser, il est donc très difficile de comprendre les enseignements de certains grands maîtres.

En 1975 ce maître prend la place d'un abbé dans un monastère près de Zurich. C'est alors qu'il le rencontre et qu'il lui demande des enseignements.

J'ai tout de suite été frappé par la précision des informations données. Dans la religion, on a l'impression qu'il faut croire sans poser trop de questions, car on atteint vite les limites et plus aucune réponse ne vient. Ce qui n'est pas le cas avec le bouddhisme.

Il a cherché des réponses pour essayer de comprendre, mais ni la religion, ni les professeurs de l'école polytechnique n'étaient capables de répondre pleinement aux questions qu'il posait. Il a toujours obtenu des réponses jusqu'à un certain point. Au-delà, les gens n'étaient plus capables de formuler des réponses claires.

L'erreur de notre monde, c'est de vivre comme si la vie n'avait pas de fin

Dans sa jeunesse, il perd son meilleur ami dans un accident de montagne. Il était avec lui ce jour-là et explique ceci :

J'étais avec lui, mais ce jour-là, c'est lui qui a tout perdu

Toute sa famille était inquiète, car il comptait acquérir une moto. Au final ce n'est pas la moto qui l'aura tué, mais un accident de montagne. Personne ne pouvait s'y attendre. Nous comprenons que cela l'a énormément marqué et que ça l'a poussé à mener des réflexions sur la mort. C'est donc tout naturellement que ses méditations s'orientent surtout sur ce sujet et il trouve des explications très riches et très précises sur la mort dans le bouddhisme.

Satisfait par sa première approche du monde bouddhiste, il demande à son maître de faire de lui un moine.

Au détour d'une question, le débat pour définir si le bouddhisme est une religion ou une philosophie vient de lui-même et le moine nous dit ceci :

Les langues occidentales n'utilisent pas de définitions précises pour les mots

Selon ce qu'il nous explique, la langue tibétaine est bien plus riche en définition et donc bien plus précise. Il nous explique que dans la définition d'une religion, il est inscrit qu'il doit y avoir un dieu fondateur, donc par conséquent, le bouddhisme ne rentre pas dans cette case. Cela dit, le bouddhisme est un peu plus qu'une philosophie, il n'y a donc pas vraiment de mot pouvant le définir.

Cela montre bien deux choses :

  1. Nous accordons énormément d'importance aux mots et nous nous efforçons de mettre des étiquettes sur absolument tout.
  2. Les mots ne sont pas capables d'exprimer pleinement la réalité

Le point deux est un grand sujet à lui tout seul et j'y reviendrai certainement dans un autre article ou un podcast. J'ai également une histoire au sujet du point un que je vous raconterai également dans un article ou un podcast. L'important, dans ce paragraphe, est de comprendre que parfois, les mots ne sont pas capables de décrire certaines choses et ils sont encore moins capable de faire passer le message que l'0n souhaite véhiculer.

Il nous explique ensuite la différence fondamentale entre le bouddhisme et le monde occidental :

Les occidentaux ont une croyance aveugle en tout ce qui est présenté comme scientifique

Le bouddhisme peut, sans problème, être confronté au monde scientifique, car le bouddhisme est basé sur la réalité et tout est pleinement expliqué, réfléchis, appris, compris. Les bouddhistes ne "croient pas que", ils apprennent des enseignements, les confrontent à ce qu'ils savent et ce qu'ils croient et remettent en question tout ce qu'ils apprennent.

Devenir moine

Est-ce qu'il y a des sacrifices à faire pour devenir moine ?‌‌

Oui, nous ne pouvons plus avoir de petite-amie, on ne peut plus avoir de rapports sexuels, ce sont les problèmes les plus importants

Il l'a dit tout en rigolant et j'ai trouvé bien qu'il ose nous parler de ce lourd inconvénient de manière totalement ouverte. Même si je dois avouer que, tout comme dans le catholicisme, je trouve relativement idiot de priver un humain de plaisir charnel, car je considère cela comme naturel. Cependant, cela n'est que MON avis et très sincèrement, je me pose actuellement la question de savoir si notre monde a rendu le sexe comme étant une nécessité ou si c'est une nécessité ancrée en nous et donc parfaitement naturelle. La réponse à cette question pourrait changer mon avis sur le vœu de chasteté.

La plupart des gens qui quittent cette philosophie, c'est pour le sexe

Pour devenir moine, il faut trouver un maître qui accepte de prendre la personne sous son aile et qui prend la responsabilité d'aider la personne dans son développement. Il est déjà très rare de rencontrer un grand maître, il est encore plus rare de trouver un maître qui saura pleinement enseigner ce qu'il a appris.

Il lui est ensuite demandé si l'occident n'idéalise pas un peu trop le bouddhisme et voit cela comme la perfection. Il répond simplement :

Notre vie commerciale nous montre uniquement des perfections et on pense que la vie devrait être comme ça, on ne voit pas que ce sont des mensonges.

Le moine prend l'exemple typique des couples ou l'on trouve un partenaire que l'on aime tant, mais après quelques temps on a l'impression de l'aimer moins et on trouve la relation moins intéressante. Il nous explique que c'est normal. Nos idées d'aujourd'hui nous poussent à croire que tout devrait être constant. C'est là qu'apparaissent les doutes "Pourquoi je ne l'aime plus ? Que dois-je faire ? Dois-je chercher quelqu'un d'autre ?", mais au bout d'un moment, il devient plus compliqué de trouver un autre, alors on se retrouve seul et on commence à se dire que les autres sont mauvais, qu'on nous abandonne. Tout cela arrive à beaucoup de personnes.

A travers cela, il exprime le fait que nous avons connaissance d'une infime partie de cette philosophie et que même si le bouddhisme apporte de vrais et grandes réponses, un grand travail personnel est demandé et tout n'est pas parfait et idéal.

Pourquoi choisir cette voie ?

Tout effort de comprendre va amener le calme dans l'esprit

Si vous saviez, mon cher Monsieur, comme cette phrase a pris tout son sens pour moi cette année...

Vous ne me verrez jamais devenir moine bouddhiste, mais après quelques années de travail sur moi-même et un grand voyage toujours en cours de mon côté, j'ai toujours eu le sentiment que le bouddhisme est basé sur de la spiritualité très ancienne que quelques vieux sages ont su conservé. J'ai moi-même beaucoup appris avec "Le moine qui vendit sa Ferrari" de Robin Sharma. Julian Mantle est devenu moine, mais il est surtout devenu sage avant d'être moine. Il a pris les enseignements de ses maîtres et a conservé l'art de vivre de ces derniers. A aucun moment le livre nous parle de bouddhisme, de contraintes comme celle évoquée plus haut ou autre.

La maîtrise de l'esprit, qu'elle soit dans le bouddhisme ou simplement dans la spiritualité et ce que l'on appelle le développement personnel est en fin de compte absolument la même. Il n'y nul besoin d'être moine pour trouver la paix dans son esprit, je pense qu'il suffit simplement d'apprendre les enseignements des sages qui sont parmi nous et de mener la vie que l'on souhaite mener.

Quelle que soit la voie que vous choisissez, dès que vous entreprendrez de comprendre, vous verrez peu à peu votre esprit retrouver son calme. Il m'aura fallu six ans pour en prendre conscience. C'est comme s'il avait planté une petite graine en moi il y a six ans et qu'elle commençait à germer maintenant.

La compréhension de la réalité nous aide à voir nos expériences de manière réaliste et à les traiter de manière utile

Le jour où j'ai rencontré un moine

Il y a parfois dans la vie des rencontres qui nous bouleverseront à jamais. Comme l'a un jour dit Jonathan Cohen :

Parfois, on pense vivre quelque chose pour nous, mais en fait on est juste le pont pour quelqu'un d'autre

Ce jour-là, ma copine de l'époque a été, sans le savoir, un pont pour me faire découvrir un petit morceau de la voie que je vais suivre trois ans plus tard.

Je ressors de cette entrevue en étant absolument ravis par cette expérience, terriblement excité et plein d'envie de moi aussi me poser les bonnes questions et trouver des réponses. Ce moine là n'a pas vendu sa Ferrari, mais en revanche, il m'aura appris qu'en ouvrant un peu son esprit, un autre monde peut s'offrir à nous et une vie bien plus paisible pourra s'offrir à nous.

Et je sais qu'aujourd'hui, lui et moi, avant reçu des enseignements relativement similaires, je trouve juste que la couleur orange ne me va pas au teint.

Jérémy Galland

Après ce que j'appelle un "crash personnel", je bâtis une nouvelle vie en guérissant mes blessures et en apprenant à mieux comprendre le fonctionnement de mon cerveau

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