Mon guide de survie autistique

autisme 17 mai 2022

Au final, peu de gens le savent, mais j'ai un trouble du spectre autistique (TSA), ce que l'on appelait autre fois le syndrome d'Asperger. Je ne parlerai pas ici de ce qu'est le TSA / le syndrome d'Asperger, je vais simplement détailler mes méthodes de survie que j'utilise au quotidien pour pouvoir vivre au mieux dans un monde qui n'est pas fait pour moi. Cet article, qui sera mis à jour régulièrement, sert avant tout aux personnes souffrant d'un TSA sans déficience, aux familles, aux proches de ceux qui sont atypiques ainsi qu'aux personnes qui s'intéressent aux troubles du spectre du l'autisme.

Hypersensibilité des sens

‌Les bruits

J'ai une hyperacousie, ce qui signifie que je suis très sensibles aux sons qui m'entourent et surtout à certaines fréquences. J'ai également tendance à entendre tous les sons à la même hauteur, il m'est donc quasiment impossible de tenir une discussion s'il y a un bruit de fond, car le bruit de fond est aussi fort que la voix de mon interlocuteur. Le bruit m'empêche de me concentrer et il me crée un stress qui peut me mener à des crises d'angoisses relativement forte. Je peux aussi me mettre dans des états de colères assez prononcés si certains bruits me dérangent trop et qu'ils sont émis par des personnes autour de moi.

Le casque anti-bruit

Ce n'est pas une légende, beaucoup de personnes avec autisme disposent d'un casque anti-bruit. Pour ma part, c'est le casque Bose QC 35 II qui me sauve la vie au quotidien, il dispose d'un système qui annule les sons extérieur afin de limiter fortement les bruits environnants. Je le porte dans la rue, quand je fais mes courses, au bureau ou dans toute situation où le bruit me dérange. Il est toujours chargé et à portée de main. En cas de crise, je le mets sur les oreilles pour m'isoler, éliminer un stimulus et aider à faire passer la crise.

La lumière

Mon hypersensibilité à la lumière est un handicape au quotidien et je n'ai pas de solution miracle. Je porte mes lunettes de soleil aussi souvent que possible pour reposer mes yeux. La journée, je porte des lunettes avec des verres sans corrections, mais avec un filtre pour éliminer les lumières bleues, cela aide un peu. Il existe, à ma connaissance, des verres teinté prévu pour des lunettes de vues. Ce sont des verres qui sont destiné à des personnes qui ont une grande sensibilité à la lumière et qui leur crée des maux de tête. C'est peut-être une piste à explorer si la sensibilité à la lumière est trop prononcée chez une personne avec autisme.

Au travail

Ce que certains spécialistes oublient, c'est que les enfants autistes deviennent des adolescent autistes et le manque d'informations sur les adultes autistes ne signifie pas que l'autisme disparait à la majorité ! L'adolescent autiste devient un adulte, puis un sénior autiste. L'environnement professionnel est un environnement hostile et très difficile pour les personnes avec autisme.

Pour ma part, j'ai beaucoup de chance, car j'exerce un métier qui est en réalité une passion : l'informatique et je dispose d'un environnement adapté avec des collègues très compréhensifs et où tout le monde sait conjuguer avec mes difficultés.

L'ennui

L'ennui est certainement notre pire ennemi, voir même un ennemi mortel. Je pense qu'il est important pour toute personne de s'épanouir dans son environnement professionnel, mais c'est à mon sens d'autant plus important pour une personne avec un TSA. Un travail ennuyant mène à la dépression et la dépression dans l'autisme est vraiment dangereuse. Il faut savoir que plus de 90% des personnes autistes ont des pensées suicidaires et 30% feront au moins une tentative de suicide. Ces chiffres sont glaçants et montrent bien à quel point les personnes avec autismes peuvent souffrir.

Le téléphone

Sincèrement, je maudis chaque jour l'inventeur de ce moyen de communication de Satan ! Plus sérieusement, j'ai une peine folle à savoir quand je dois parler ou non, les blanc m'angoissent énormément et ça me demande un effort colossale d'essayer de comprendre la discussion. Voir mon interlocuteur m'aide, car je peux m'appuyer sur le non-verbal, mais au téléphone je suis largué ! Avec les années, j'y arrive de mieux en mieux, mais je déteste ce moyen de communication !

Petit tips : Demandez aux gens de faire des mails ! C'est bête, mais faites-le, tout le monde ne le fera pas, mais si quelques demandes viennent par mail plutôt que par téléphone, c'est tout ça en moins à gérer !

Les instructions orales

J'ai une peine folle à enregistrer les informations qui me sont donnée de manière orale. Je me fais violence depuis des années pour améliorer cela, mais par chance, j'ai un directeur (mon supérieur hiérarchique direct) absolument fantastique, qui prend le temps de faire des dessins au tableau quand il voit que je n'arrive plus à suivre et qui me fait toujours des mails de confirmation après nos discussion. Je vous souhaite à tous d'avoir quelqu'un comme lui, parce que ça facilite vraiment la vie.

Pour ceux qui n'ont pas cette chance : Demandez ! Les gens prennent le temps de faire un dessin ou un mail de confirmation si vous le demandez gentiment. N'ayez pas peur !

Le sommeil

Les personnes qui ont un TSA sont sujette à de gros troubles du sommeil et en réalité, c'est dû au fait que le cerveau ne produit pas assez de mélatonine. Couplé aux angoisses quotidienne, l'endormissement peut être impossible et, à long terme, ce manque de sommeil devient dangereux pour le corps et augmente l'anxiété et tous les troubles liés à l'autisme. Dormir est donc d'une importance capitale, mais malheureusement, beaucoup de personnes autistes n'arrivent pas à dormir suffisamment et convenablement.

Dans mon cas, je ne dors pas ou quasiment pas, si je dors seul. Mes angoisses sont trop profondes et mon stress tient mon cerveau en alerte. J'utilise souvent une image pour décrire cela : C'est comme si je dormais dans la savane, sans aune protection et que je suis prêt à bondir à tout moment pour échapper au moindre danger. Plus je m'épuise et plus je vais mal, c'est donc un cercle vicieux qui peut paraître sans fin.

La couverture lestée

Ce qui me rassure parfois, c'est ressentir un certain poids sur mon corps. Quand je panique, j'aime que l'on me serre très fort (de préférence en se plaçant derrière moi). Pour une personne avec autisme (pas toute, sondez le terrain avant tout de même !), se sentir enveloppé est rassurant, cela apporte une sécurité. Pour moi, c'est indispensable d'avoir un câlin ou que l'on me serre très fort quand je commence à partir en crise (ce qui, malheureusement, est régulier). On est loin du cliché de l'autiste qui n'aime pas les gens et qui n'aime pas être touché, même si, oui, il y a des personnes qui ne supportent vraiment pas d'être touchées, mais ce n'est pas le cas de toutes les personnes avec autisme.

Tout cela pour dire qu'une couverture lestée (il y a plusieurs poids disponible en fonction de votre poids personnel, à titre d'exemple, je crois que la mienne fait 6kg, soit 1/10 de mon poids) permet de reproduire cet effet. Cela apporte un grand réconfort, car on se sent contenu et cela apaise. Si je dors seul, je suis quasiment obligé de dormir avec pour limiter mes angoisses. Il ne faut pas non plus s'attendre à des miracles, c'est juste une aide qui permet de s'apaiser un tout petit peu, mais c'est insuffisant pour des troubles du sommeil, ça vient simplement en complément.

On peut dire que dormir est un grand défi.

La mélatonine

En Suisse, la mélatonine n'est disponible que sur ordonnance et beaucoup de médecins préfère prescrire du Temesta (qui est un anxiolytique). D'ailleurs, la mélatonine n'est pas remboursée par l'assurance de base... Ce n'est pas une solution miracle, mais ça aide un peu à se reposer et à dormir quelques instants. Mais tant que l'on est pas détendu, il sera impossible de dormir convenablement.

Un rituel

Je sais qu'avoir un rituel avant de s'endormir aide un grand nombre de personnes avec autisme. J'avoue cependant, que je ne parviens pas à appliquer un rituel précis, mais ce n'est pas faute d'avoir essayé ! Encore une fois, cela dépend de mon niveau d'anxiété, plus il est bas et plus j'arrive à suivre un rituel, plus il est haut et plus j'ai tendance à faire n'importe quoi !

La nourriture

Manger est souvent un stress pour moi, surtout quand je ne mange pas chez moi ou que je dois manger quelque chose que je ne connais pas et encore pire quand je dois manger en vacances ! Je peux rester facilement deux jours sans rien avaler, tellement l'angoisse est grande. Il y a des aliments que je n'aime vraiment pas, comme tout le monde !

Souvent les mêmes plats

Pendant longtemps, je cuisinais en fonction du jour de la semaine. Je faisais une pizza tous les dimanche, le lundi je mangeais autre chose, le mardi aussi, etc. et je répétais cette boucle toutes les semaines. Ceci apporte un autre avantage : Je faisais toujours les mêmes courses, je savais exactement quoi prendre et où cela se trouvait dans le magasin et il me fallait moins de dix minutes pour faire mes courses de la semaine.

Avec le temps, je mange de plus en plus facilement de tout et j'ai beaucoup moins de peine à ingérer de nouveaux aliments. Cependant, quand je ne suis pas bien, j'ai tendance à bien séparer chaque aliment dans mon assiette et à les manger séparément, ça me rassure pour une raison inexpliquée. C'est un comportement qui m'arrive peu souvent, ça peut paraître étrange aux yeux des gens, mais pour ma part, les gens que j'ai autour de moi ne juge pas et ça, c'est précieux.

Les courses

J'évite le monde, je fais donc mes courses à l'ouverture du magasin le samedi. Quand je suis trop fatigué ou pas bien, je mets mon casque à réduction de bruit, cela m'aide à passer ce moment difficile avec un peu plus de calme. Quand je suis assez bien, j'arrive à faire mes courses sans casque. La seule difficulté, c'est que les collaborateurs du magasins rangent encore les rayons à l'ouverture et leur dire bonjour est parfois une épreuve. Autre inconvénient, cela me pousse à me lever tôt le samedi.

Les pensées

On ne va pas se mentir, avoir un cerveau survitaminé, c'est épuisant... Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai cherché le bouton "OFF" pour pouvoir respirer quelques minutes. Quand le flow de pensées est trop grand, il y a trop de bruit de notre tête pour pouvoir réfléchir et crée un certain nombre de problèmes. Comme dirait ma grand-mère :

C'est comme s'il y avait dix radio qui parlaient en même temps, c'est impossible d'en écouter une, car les autres font trop de bruit

Il en va de même pour les pensées. Il est impossible d'en écouter une si neuf autres parlent en même temps. Un cerveau neuroatypique ne traite pas forcément les informations de manière séquentielle, il est capable de les traiter simultanément.

La méditation

Oui c'est cliché, mais ça marche ! Il y a des applications comme petit bambou (que j'ai personnellement utilisé pendant des mois) ou alors des méditations guidées disponibles gratuitement sur YouTube. Si vous arrivez à prendre 15 petites minutes par jour pour méditer, c'est autant de temps que vous vous accordez à vous même pour respirer et faire le vide dans vos pensées.

Il paraît que le Yoga est très bien aussi, je testerai prochainement, ce sera peut-être l'occasion de faire une mise à jour de cet article !

La poésie / la musique

On m'a posé la question suivante : la poésie te fait-elle du bien ?, celle écrite et que tu lis, celle chantée et que tu écoutes

Ah oui la poésie me fait un bien fou. J'aime écrire et faire de belles phrases et quand je suis "spectateur" de la poésie, j'aime beaucoup quand elle passe par la musique. Les mots apaisent les maux quelque part et ça nourrit la conscience. ça me laisse rêveur et songeur et ça m'éloigne d'une réalité parfois très compliquée, alors oui ça me fait beaucoup de bien.

C'est un peu comme la spiritualité finalement, il y a de grands penseurs, de grands rêveurs et de grands sages dans ce monde et leurs mots m'apaisent l'esprit. Tout comme les musiques composée essentiellement au piano apaisent mes pensées.

Il faut garder à l'esprit qu'un cerveau comme le mien aime être nourrit en permanence et la poésie demande un effort cérébrale parfois intense pour comprendre le sens des mots. Cela active un certains nombre de zones dans le cerveau et réveille l'imaginaire. Mettre un casque, écouter des paroles et se laisser imprégner de ces mots, c'est une sorte de méditation.

Les interactions sociales

L'humour

On m'a demandé sur le forum Atypikoo : est-il difficile pour toi de faire une place à l'humour quand tu parles à d'autres ?, ou quand tu penses ou médites seul ?

L'humour est au centre de ma vie, j'ai tendance à tout faire passer par ce canal, car c'est plus simple. J'ai l'art de faire le pitre en permanence, je me cache un peu derrière cela. Je dirais que c'est mon principal moyen de communication. Quand je médite, il m'arrive de rire ou de sourire en prenant du recul sur les choses. Après, j'ai un vécu qui n'est pas simple et j'ai utilisé l'humour comme une barrière de protection, c'est peut-être pour cela que c'est aussi présent dans ma vie.

Pour compléter un peu cette réponse, je dirai que je ris de tout en permanence, mais je ris surtout de mes difficultés. Ceux qui me connaissent bien savent à quel point mes histoires drôles cachent en réalité une profonde détresse, un souvenir très douloureux. J'ai vite compris que faire rire les gens étaient le meilleur moyen de créer un lien avec eux. On passe vite pour le bon copain rigolo qui a toujours une bêtise à sortir et qui amuse la galerie.

On m'a d'ailleurs un jour dit que je devrais faire du stand-up, car j'ai une façon extraordinaire de raconter des histoires avec beaucoup d'humour. Cette anecdote me rappelle que je sui bien plus à l'aise sur une scène devant des centaines de personnes que face à un petit groupe. Je suis quelqu'un de timide et réservé, mais je me suis créé ce personnage plein d'humour, ça m'aide à mieux réussir en société.

Jérémy Galland

Après ce que j'appelle un "crash personnel", je bâtis une nouvelle vie en guérissant mes blessures et en apprenant à mieux comprendre le fonctionnement de mon cerveau

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